mardi 9 septembre 2014

Ce qu'il y a en vrai dans ma tête de business woman créative


Bonjour, bonjour,

Aujourd'hui vous allez entrer dans les coulisses d'une entrepreneure tiraillée entre une nécessaire rentabilité et la culpabilité de donner un prix élevé à ses créations.
C'est un sujet que j'ai rarement vu abordé dans les blogs de créatrices et tout en vous écrivant je me demande encore si je fais bien d'en parler ici.

Loin de moi l'idée de me justifier auprès des gens qui pensent qu'ils pourraient aisément faire la même chose et donc trouvent d'emblée nos créations trop chères.
Loin également de moi l'idée de jouer la carte de la pauvre petite créatrice abusée par un système écrasant (même si parfois oui le système est écrasant quand on est une petite entreprise).

Comme vous le savez peut-être cela fait maintenant 17 mois que Ozé Bijoux existe. Je vous le disais pour l'anniversaire du BOB, je crois ne plus être dans la phase "entrepreneure obsessionnelle". Quoique... peut-on être autre chose qu'obsessionnelle quand on est passionnée par son travail ? D'autant que les bijoux j'ai grandi avec, je me suis construite avec.
J'ai commencé à tisser les perles vers l'âge de 10-11 ans et je n'ai jamais arrêté depuis. Comme certains danseurs ou chanteurs se trouvent une passion pour leur art dans l'enfance et grandissent avec lui. J'ai fait des études d'art mais plutôt dans le textile. Et la plupart de mes choix au fil du temps avaient pour objectif de me faire avancer dans cette passion-métier.
Avant Ozé il y a eu Ndella Bijoux en 2003, puis Mamzelle Chocolat en 2008... Certains s'en souviennent peut-être...

Mais je digresse et je m'égare sur un autre sujet.
Ce qui me préoccupe (encore ! Car c'est loin d'être la première fois que je me pose ces questions) c'est le juste prix. Le prix qui me permettrait d'arrêter de me dire "mais si je vends ça à ce prix là mon entreprise ne sera jamais rentable !" et "oui ça les vaut mais personne ne voudra jamais acheter ça à ce prix là !".

Il faut savoir que dans mon prix il y a :
  • la matière première plutôt de moindre coût (perles de rocailles japonaises) mais comme je tends à n'utiliser que de l'argent 925 et du plaqué or ou du "gold filled" pour avoir un certain niveau de qualité...
  • le temps de travail qui peut-être très long même sur une pièce relativement petite, quand on doit assembler l'une après l'autre des perles qui font parfois tout juste 1mm
  • Une partie pour tout le temps que je passe à m'occuper de l'administratif, comptabilité, prospection, entretenir mon réseau
  • Une partie (la même en fait) pour le temps que je passe à rechercher de nouvelles formes, motifs, couleurs, tendances, etc.
  • Une partie pour les frais de fonctionnement (matériel de bureau, internet, transport, électricité, chauffage, etc.)
  • Et normalement une partie salaire
ça c'est pour le côté terre-à-terre-pragmatique. Et puis dans toute création il y a une dimension de rêve. Ce que ça évoque quand on la regarde, quand on la touche, quand on la porte.
Par exemple quand on achète le fameux Chanel n°5 on n'achète pas seulement une odeur agréable à porter sur la peau, on achète quelque chose de mythique qui fait rêver le monde entier, on achète le chic à la française, la quintessence de l'élégance.

Et quand on achète un bijou Ozé ? Je ne sais pas très bien. Enfin si, je sais ce qu'il y a dans chaque bijou comme émotion, comme rêve mais c'est tellement viscéral et intuitif que j'ai du mal à prendre le recul nécessaire pour l'exprimer comme le font tous ces grands de la mode.
Je sais créer de beaux objet mais je ne sais pas créer, renforcer ou entretenir une image de marque. En même temps c'est un métier ! Et je n'ai jamais été formée à ça.

Ce que je sais c'est que je voudrais que mes créations respirent l'élégance mais pas cette espèce de truc inatteignable qu'ont justement si souvent les grands noms de la mode. Je voudrais que chaque femme puisse se dire "oui je pourrais porter ça et ça m'irait super bien !". J'ai envie d’universalisme un peu à la Benetton ou comme Dove qui fait des pubs avec des vraies femmes dedans. J'ai envie aussi de proximité. Je n'aime pas trop l'élitisme de la mode et pourtant il y en a un qui est inévitable justement à cause du prix !
Mais être proche des gens c'est important pour moi. Je ne veux pas que mon entreprise ou ma marque soit désincarnée.

source : www.benetton.com


Peut-être qu'il y a trop de moi et de mes valeurs humaniste dans tout ça et que ça finit par me faire perdre de vue l'un des grands objectifs de cette aventure : gagner de l'argent pour vivre de mon art.
Mais c'est difficile de cliver le côté chef d'entreprise et ce que je suis profondément plus cette passion-métier avec laquelle j'ai grandi et qui s'est comme inscrite dans mes cellules.
J'apprends... au fil du temps.

Bref, cette question du prix revient au moment où je m'apprête à trouver des revendeurs pour mes créations. Eux aussi ont leur calcul de prix et appliquent une marge sur nos "prix de gros". Une marge qui est loin d'être la même que celle que nous pratiquons. En tout cas moi et la plupart des créateurs autour de moi.
Et pourtant je suis bien d'accord avec eux que ce serait incorrect vis à vis de ces revendeurs et vis à vis de la clientèle, de proposer le même article ici à 150 € et là à 75 €.
Et je me dis que la mondialisation ne nous a pas aidé en nous mettant (nous les artisans, les créateurs, les "made in France") en concurrence avec des produits au coût de revient ridicule, fabriqués au mépris de la vie et de la dignité d'une partie de la population du globe. 
Et je me dis aussi que ces personnes qui tiennent ces boutiques doivent elles aussi payer un loyer, un (ou des) temps de travail, un (ou des) salaires, etc.
Alors bien sûr il y en a qui abusent comme partout.
Mais tout cela me conduit à nouveau à faire tourner cette question dans ma tête : "dois-je aligner mes marges sur celles de mes futurs revendeurs ?" 
Question qui automatiquement réveille ma culpabilité et mon sentiment d'illégitimité à vendre un bijou à 150 ou à 300 euros, moi qui n'ait même pas fait d'école de bijouterie et qui n'utilise aucune pierre précieuse (oui j'ai quelques complexes). Alors qu'il est pourtant le fruit d'un dur labeur.

J'ai créé la gamme Arrow exprès pour qu'elle soit compatible avec ces marges et vous soit proposée au même prix sur mon site, comme en boutique, comme en expo-vente.

Boucles d'oreilles Arrow (bientôt en vente sur www.oze-bijoux.com) - Ozé Bijoux / modèle : N'Deye Marie
Mais quand je vois mes gammes Lepidoptera et Fly a Kite je me dis que je ne pourrais pas les vendre en boutique à cause du temps de travail qui fait gonfler le prix de revient. Et pourtant elles ont tellement de succès ! Je n'ai que des compliments quand je porte ces bijoux. Alors que faire ?

D'autant plus qu'il est difficile de créer avec cette contrainte de marge. Il faut notamment penser à ne pas dépasser un certain nombre d'heures de travail. Pas terrible pour laisser libre court à sa créativité.
Oui mais voilà, quand je me laisse libre de créer ça donne plutôt des Lepidoptera et des Fly a Kite
Boucles d'oreilles Lepidoptera - Ozé Bijoux / modèle : Justine

Certaines pièces mettent plus de 3h à être fabriquées. Alors si on ajoute à ça les autres ingrédients du calcul de prix, on dépasse allègrement les 100 euros voir plus !

Dans ces moments là je regarde souvent des créateurs-tisseurs de perles que j'aime beaucoup comme Miguel Ases par exemple. Je regarde le prix de ses bijoux et je me dis "pourquoi je ne pourrais pas faire comme lui ?", sachant que moi je travaille seule et que lui a sûrement une armada de tisseurs et responsables marketing et agent de presse et que sais-je encore, qui s'assurent que ses produits sont bien présentés et aux bonnes personnes et donc bien vendus (ce me qui prouve bien que la clientèle existe !).



Je précise que j'ai fait attention à mettre les bijoux à peu près à la même échelle en me basant sur la taille des fermoirs.
Je précise aussi que cette comparaison n'est en aucun cas qualitative. J'aime beaucoup de travail de Miguel Ases. J'essaye simplement de mettre en perspective des types de créations similaires pour mieux me situer.

Voilà, je n'ai pas encore de réponses à toutes ces questions mais je me dis que si je veux jouer un jour dans la cour des grands, peut-être qu'il faut tout simplement que j'assume mes prix. Et en même temps que je continue à proposer des gammes plus abordable - quand ma créativité ne s'emballe pas trop ;-)

Et bien vous savez quoi ? Je me sens mieux d'avoir écris ici ce qui me tourniboulochait le cerveau depuis quelques jours. Ce sera ma nouvelle résolution pour la rentrée : assumer mes prix et le positionnement haut de gamme qui en découle.

Cet article je le dois un peu à Nadia Akkari que vous avez peut-être remarqué dans ma blog roll. Son métier c'est d'accompagner les entrepreneurs et elle a un blog qui en plus de donner des infos utile est un super remonte-moral. Je vous le recommande si vous êtes comme moi à toujours vous poser plein de questions.

Et vous vous seriez prêt à acheter un bijou de création à plus de 100 euros ? Qu'est ce qui vous ferait franchir le pas ? Ou au contraire refuser cet achat ?
Merci pour vos avis et réflexions sur le sujet.

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